La bouse de vache et ses milles et une utilisations (http://ecotraditions-inde.over-blog.com/article-34067119.html)

Publié le 21 juillet 2009 par Muriel Kakani

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L’image des femmes occupées à malaxer la bouse de vache est une des images emblématiques de l’Inde rurale, de l’Inde éternelle. Déjà dans le Rig Veda, le document le plus antique de l’humanité, le ramassage et le stockage des bouses est mentionné. Et dans l’Atharvaveda (le quatrième et dernier recueil des Védas), l’utilisation de la bouse de vache comme engrais est décrite.

 


Ainsi, depuis la nuit des temps, les femmes de l’Inde (les activités concernant la bouse sont exclusivement féminines) pétrissent à deux mains le mélange de bouse et de paille pour la confection des galettes aplaties ou bousats qui seront plaquées sur un mur de brique exposé au soleil pour sécher. Une fois séchée, les bousats sont stockés soit dans un recoin de la maison, soit dans un bitora.

 



Un bitora est un tas de galettes empilées pour former une butte de forme et de taille variable selon les régions. Les bitoras sont construits à proximité des habitations. Tout d’abord, les parois extérieures du bitora sont édifiées. Ensuite, dans l’espace intérieur, les galettes de bouse bien séchées sont entassées sans laisser d’interstices. Pour terminer, les surfaces externes du bitora, enduites d’un mélange de bouse fraîche et de paille, sont décorées de motifs traditionnels et symboliques.


Ainsi, un bitora permet de stocker, pour plusieurs années, un maximum de bouses séchées.










Durant la saison des pluies, le bitora est recouvert d’un toit végétal. Il ressemble maintenant à une hutte miniature très mignonne !!

 












Une fois entreposés, les bousats sont prêts
à être utilisés de mille et une façons :

 

 

 Usages agricoles :


·        Aujourd’hui, seulement 50% des 800 millions de tonnes de bouses produites en Inde chaque année sont utilisées comme engrais. Dans le passé, l’utilisation de la bouse fut le facteur le plus important dans le maintien de la fertilité des sols. Dans certaines régions de l’Inde, comme dans le Rajasthan où les terres sont peu fertiles, la bouse ne pouvait être vendue hors du village. Permettre l’exportation du fumier équivalait à sacrifier la fortune, la prospérité du village.

 

·        Avant les semailles, les semences sont enduites de bouse. La bouse de vache est un fongicide particulièrement effectif contre les champignons qui attaquent les semences. Aussi, ainsi préparées, les oiseaux se restreignent à picorer ces graines peu appétissantes !!  

 

·        Partout en Inde, le grain est stocké dans des réceptacles enduits de bouse de vache pour éloigner les rats. Par exemple, dans le Bengale, le riz est conservé dans des paniers en bambou. Les parois intérieures sont recouvertes d’un mélange d’argile et de bouse de vache.  Rempli de riz, le panier est fermé, scellé avec une couche épaisse de bouse pétrie avec un peu de paille. Le grain est maintenant protégé non seulement des attaques d’insectes et des rats mais aussi de l’humidité.

 

·        Dans l’Assam et le Tripura, la noix d’arec est cultivée extensivement. Pour conserver ces noix, une fosse d’une profondeur de 4m et d’un diamètre de 3m est creusée. La fosse est enduite et scellée avec une couche épaisse de bouse de vache. Six mois plus tard quand la cavité est ouverte, les noix sont intactes.

 

·        La bouse de vache est un des ingrédients principaux entrant dans le traitement des plantes selon le Vrikshayurveda ou Science des plantes. Par exemple, les branches coupées ou taillées sont traitées avec une pâte à base de bouse de vache. Les coupures et blessures de l’arbre sont particulièrement vulnérables aux infestations de pathogènes (pestes et parasites…). Couvrir ces endroits délicats avec de la bouse permet de hâter la cicatrisation.    

 

 

Usages divers :

 

·        Dû à un déficit en bois de feu, 400 millions de tonnes de bouse sont brûlées annuellement à la place d’être utilisées comme engrais. La bouse est le combustible préféré des potiers et des artisans car elle brûle lentement et uniformément.

 

·        Pour isoler du froid en hiver et de la chaleur en été, les murs extérieurs des maisons en terre sont tapissés d’un mélange liquide de bouse malaxée avec de l’argile et un peu de paille. Encore de nos jours, dans l’Inde rurale, les sols de terre battue enduits de bouse sont préférés car ils absorbent l’eau sans devenir pâteux et sont faciles à balayer.

 

·        La bouse de vache est considérée un tonique pour la peau. Mélangée avec des feuilles de neem broyées, la bouse de vache est curative dans diverses affections cutanées. Une crème de bouse aide les abcès à mûrir et soulage les démangeaisons de la peau. En effet, la bouse de vache possède des qualités antiseptiques et bactéricides vérifiées par la science moderne.

 

·        La fumée des galettes de bouse de vache embrasées éloigne les moustiques.

 

·        La cendre de bouse de vache est un excellent nettoyant et dégraissant et est donc utilisée pour récurer les casseroles.

 

·        La bouse de vache est un excellent blanchisseur utilisé par les artistes traditionnels qui peignent ou impriment les toiles de coton. La bouse fraîche est collectée et diluée avec de l’eau. Le tissu est trempé dans ce mélange pendant un ou deux jours pour être ensuite séché au soleil. Cette méthode de blanchissement n’abîme pas le tissu mais au contraire  acte comme un mordant en augmentant la capacité de fixer les couleurs sur le coton de manière permanente.

 

·        Les peintures murales de l’Inde (Madhubani dans le Bihar, Warli dans le Maharashtra…) sont réalisées sur des murs intérieurs qui ont préalablement été enduits d’une couche de bouse de vache. Aujourd’hui, pour respecter l’originalité de ces peintures murales traditionnelles, le papier ou la toile utilisée par les artistes est aussi enduite de bouse.

 

 

Usages religieux :

 

·        La bouse étant un des 5 ingrédients sacrés (lait, ghee, yogourt, bouse et urine) offerts par la vache, seuls les bousats (et non le bois) sont brûlés durant les yagnas ou cérémonies du feu sacrificiel et le tikka, marque rituelle sur le front, est alors fait avec de la bouse de vache.

 

·        La bouse est utilisée dans la fabrication des idoles lors de nombreux festivals. Par exemple, pour le festival de Nag Panchami, des idoles de serpent (cobra) sont façonnées dans la bouse de vache séchée pour être placées aux portes d’entrée des maisons.

 

·        Durant le festival de Makar Sankranti, les jeunes filles préparent des boulettes de bouse de vache et les décorent avec des fleurs colorées. Ces boules, appellées Gobbemmalu dans le sud de l’Inde, sont placées sur le seuil des maisons et sont adorées ainsi que les Navadhanyas (neufs types de graines) pour accueillir la déesse Lakshmi, symbole de l’abondance et de la fertilité. Depuis les temps védiques, la déesse Lakshmi, déesse de la fertilité, est associée à la fécondité des sols enrichis de bouse de vache. Cela explique pourquoi les femmes adorent la déesse Lakshmi sous la forme de bouse de vache lors de certains festivals.

 

·        Dans certaines sectes hindoues, hommes et femmes s’enduisent le front avec la cendre de bouse de vache.

 

·        Durant le festival de Diwali (le festival des lumières), les cours, les entrées… sont décorées de rangolis. Pour être auspicieux, ces dessins faits au sol, doivent être exécutés sur une couche de bouse de vache étalée sur la terre et aspergée d’une eau parfumée au bois de santal.

 

·        Lors de la Pûjâ (cérémonie) à l’occasion d’un emménagement dans une nouvelle maison, la présence d’une vache est nécessaire. Il est considéré très auspicieux si la vache éclabousse de sa bouse sacrée les murs de la nouvelle demeure.

 

 

Il n’est donc pas étonnant qu’en Inde, la bouse de vache tienne une place plus importante dans l’économie nationale que le pétrole ou l’électricité... Comme le disait Anil Agarwal, écologiste indien, l’Inde a besoin d’un Gobar Mantri ou Ministère de la bouse de vache !!