Chère lectrice, cher lecteur,
Le monde moderne est en décalage radical avec l’environnement naturel où notre
corps a évolué. Selon trois experts qui se sont exprimés sur leurs recherches à
la réunion annuelle de l’American Association for the Advancement
of Science à Boston, aux États-Unis, il nous rend myopes, obèses
et déprimés.
Passer beaucoup de temps à l’intérieur, sous la lumière électrique, à fixer des
yeux un écran d’ordinateur, contribue à provoquer une épidémie de myopie. À
Singapour, 82 % des jeunes sont myopes [1]. Les chiffres sont en
augmentation dans le monde entier [2], selon le Pr Amanda Melin de l’université de Calgary.
Les primates ont une attirance naturelle pour le goût sucré, qui s’est
développée pour les pousser à se gorger de fruits lorsqu’ils étaient mûrs.
Cette pulsion a été exploitée chez l’homme par l’industrie agroalimentaire en
le tentant en permanence avec des sucreries. À tel point que nous sommes
aujourd’hui confrontés à une épidémie d’obésité, selon le Pr Paul Breslin,
de l’université Rutgers. Après avoir frappé les
États-Unis et l’Europe, elle est en train de dévaster les pays africains,
arabes, sud-américains et asiatiques.
Enfin, notre odorat est, lui, agressé par la pollution atmosphérique,
provoquant de nombreux effets néfastes dont la dépression et l’anxiété, selon
le Pr Kara Hoover de l’université d’Alaska.
Nos yeux se sont développés pour s’ajuster aux variations de
lumière, de l’obscurité nocturne à l’éclat du soleil au zénith, pour observer
des insectes ou des plantes minuscules, mais aussi scruter l’horizon ou
chercher des objets de toute taille dans notre environnement.
Ces exercices et ces sollicitations permanentes des yeux sont particulièrement
importants chez les enfants. Le bon développement de leur globe oculaire et des
muscles qui l’entourent, en dépend. « Nous avons besoin de passer
plus de temps à l’extérieur pour permettre à nos globes oculaires de grandir
correctement et d’acquérir les bonnes proportions, afin que les images se
focalisent bien sur notre rétine », a expliqué le
Pr Amanda Melin.
(la suite ci-dessous)
L’épidémie de myopie, qui touche aujourd’hui de plein fouet les pays asiatiques
où l’usage du smartphone est le plus répandu, va se
communiquer aux civilisations qui suivent le même chemin, dont la nôtre.
Cela représente des dépenses et une gêne importante pour toute la vie. Rendons
service à nos enfants en les envoyant jouer dehors pour développer leurs yeux
et en les empêchant de se les abîmer avec des écrans.
L’attirance des êtres humains
pour le sucré pourrait s’expliquer par le fait que nous avons un ancêtre
commun, ayant vécu il y a des millions d’années, avec les grands singes
d’aujourd’hui, qui tous vivent dans les forêts et se nourrissent principalement
de fruits, lesquels sont sucrés et acidulés.
Ce goût leur permet de repérer les fruits les plus nutritifs et les plus riches
en vitamines.
Les forêts équatoriales n’ont pas de saisons. Les fruits mûrissent selon un
cycle propre à chaque arbre. Les animaux montent dans l’arbre et mangent tous
les fruits qu’ils trouvent, jusqu’à accumuler des kilos de graisse, en
détectant ceux qui sont mûrs et donc nutritifs grâce à leur goût.
Les singes retournent ensuite au sol, où ils mangent des insectes et des
feuilles, qui ne sont pas du tout aussi sucrés – et perdent de leur poids.
Mais dans le monde moderne, les sucreries sont disponibles toute l’année, en
tout lieu, y compris dans des distributeurs automatiques sur les quais des
gares.
« Nous grimpons dans cet arbre que notre société a créé et nous nous gorgeons de fruits. Mais l’arbre n’est jamais épuisé et nous ne descendons jamais au sol. Nous continuons à nous bourrer de sucre et c’est ainsi que nous devenons obèses », explique le Pr Breslin.
« Le singe qui est en nous nous pousse à monter dans l’arbre, où nous apprécions tant ces aliments qui sont à la fois sucrés et acidulés. Nous devons garder à l’esprit que nous avons besoin de nous obliger à descendre de l’arbre régulièrement. »
L’importance de jeûner régulièrement, comme tout le monde le faisait autrefois
à l’occasion de périodes religieuses (celles du Carême et de l’Avent dans les
pays chrétiens, ainsi que chaque semaine, le vendredi), est revenue sur le
devant de la scène grâce, notamment, aux travaux de Thierry de Lestrade.
Mais nous devons aussi nous contraindre à réduire tous les sucres ajoutés qui
se retrouvent dans notre assiette quotidiennement et, surtout, les sucres
cachés dans les aliments riches en glucides mais qui n’ont pas de goût
sucré : pain, pâtes, pommes de terre, céréales.
De même, notre sens olfactif a évolué pour nous aider à nous
déplacer dans un environnement très odorant. Il s’agissait de repérer des
proies, de reconnaître des plantes, de repérer des sols, des lieux – par
exemple, une odeur d’humidité signalant un ruisseau, une grotte –, mais aussi
déceler la peur ou l’anxiété chez nos congénères.
Aujourd’hui, les seules odeurs que nous percevons encore sont les parfums,
souvent artificiels, et les fortes odeurs de cuisine. Dans les grandes villes,
nous essayons d’éviter de sentir les mauvaises odeurs, et les capteurs de notre
odorat sont, de toute façon, agressés par la pollution atmosphérique.
Les perturbations de l’odorat font grimper les risques de connaître des
problèmes mentaux, comme la dépression et l’anxiété. La baisse de l’odorat est
le premier symptôme annonciateur de la maladie d’Alzheimer. Elle cause aussi
des problèmes physiques, car une déficience de l’odorat et du goût pousse à
trop manger, parce que nous tirons moins de plaisir de notre nourriture.
Nous devons nous efforcer de cultiver notre sens de l’odorat, en particulier en
allant dans la nature et en nous concentrant sur ce que nous sentons tout
autour de nous. Il existe aussi d’intéressants kits d’huiles essentielles pour
nous aider à distinguer les odeurs de plantes aromatiques variées, par exemple
les différents types de thym : thym citron, thym orange, thym à l’odeur de
pin, thym cumin, thym de mer… Saviez-vous qu’il en existait quarante
sortes ? Seriez-vous capable d’en reconnaître certaines ?
C’est un exercice à faire, que l’on pratique comme on peut s’initier à l’œnologie,
la science du vin, où l’on apprend notamment à reconnaître les arômes qui y
sont présents.
Notre corps a ces capacités que nous n’utilisons plus. C’est dommage, et c’est
mauvais pour la santé. Cela rend aussi la vie plus fade, moins riche et plus
triste, de ne plus bien voir, de ne plus sentir ou d’avoir le corps handicapé
par des excès de mauvaise graisse.
Alors, résistons !
À votre santé !
Jean-Marc Dupuis