Le pissenlit soigne, nourrit et purifie

Pissenlit vient de « pisse-en-lit ».

Il porte ce nom parce qu’il est diurétique : il donne envie de faire pipi.

En anglais, pissenlit se dit « dandelion ». Ce nom m’a toujours paru bizarre jusqu’à ce que je réalise, tout récemment, que cela venait simplement du français : « dent de lion ». Dent de lion est d’ailleurs un autre nom du pissenlit en français. Les Suisses utilisent souvent ce nom. C’est bien sûr à cause de la forme des feuilles de cette plante, qui ressemblent à une dentition de carnassier :


pissenlit


Le pissenlit fait partie, comme le chardon, de la famille astéracée, ces plantes qui ont une forme d’étoile quand on les regarde du dessus (aster = étoile en latin). C’est en fait un chardon sans piquants, ce que tous les enfants ont remarqué.
 

Contre l’hypertension et la rétention d’eau

On sait que les médecins donnent des médicaments diurétiques aux personnes souffrant d’hypertension. L’hypertension se produit quand les artères, trop rigides, se dilatent mal et que la pression du sang augmente. Manger du pissenlit, qui est naturellement diurétique, est donc une saine habitude pour les personnes qui ont trop de pression dans les artères.

Mais les diurétiques ne servent pas que contre l’hypertension.

Par définition, ils sont utiles pour traiter tous les problèmes de rétention d’eau : jambes lourdes, pieds qui gonflent. L’idéal dans ce cas est de préparer une infusion avec des feuilles de pissenlit. Il suffit de mettre 4 à 10 g de feuilles séchées dans 150 ml d’eau, jusqu’à trois fois par jour. Mais l’efficacité de cette tisane peut être renforcée en y mettant des queues de cerise et de la piloselle, une cousine du pissenlit dont nous parlerons une autre fois.

Feuilles ou racines ?

Traditionnellement, c’est la racine du pissenlit qui était consommée de préférence.

Elle était récoltée à l’automne ou au printemps, lorsque la plante a au moins deux ans. C’est alors que la racine est de belle taille.

Elle était consommée crue ou séchée, bouillie ou cuite à la vapeur, en décoction ou en teinture-mère. La décoction consiste à cuire la plante longuement dans l’eau, la teinture-mère à la faire mariner dans l’alcool. On préparait autrefois un café de pissenlit après torréfaction (brûlure) de la racine [1].

Elle était surtout utilisée pour stimuler la digestion et nettoyer le foie. Elle n’était pas consommée toute l’année mais en cure de quelques jours, aux changements de saison.

Elle a des propriétés anti-inflammatoires. Elle est prescrite au Japon pour soulager l'arthrite [2].

Le goût de l’amertume

Mais les feuilles de pissenlit sont aussi excellentes. On peut les faire sécher pour les conserver et en faire des tisanes plus tard dans la saison.

L’habitude de les récolter au printemps ne s’est pas perdue, d’ailleurs. Chaque année nos yeux sont réjouis par le spectacle émouvant de familles qui remplissent des paniers de pissenlits qu’elles récoltent sur les talus.

Mais c’est aussi avec joie que je vois les supermarchés vendre de plus en plus de feuilles de pissenlit cultivés.

En effet, les feuilles de pissenlit font de délicieuses salades. Elles sont très amères, mais c’est pour ça qu’elles sont importantes.

Le goût amer, qui a été pourchassé par l’industrie agro-alimentaire moderne, est indispensable, vital même pour stimuler la digestion et le fonctionnement du foie, la production de la bile. J’y reviens plus loin.

Mais permettez-moi d’insister quelques instants sur le problème de la disparition de l’amertume dans notre nourriture.

Autrefois, les adultes recherchaient l’amertume. De nombreux plats et boissons populaires étaient amers : les artichauts, les endives, la chicorée, le chou de Bruxelles, le céleri, l’huile de ricin ou d’olive, les amandes amères, la bière, le café et de nombreux vins.

On n’oubliait pas d’ajouter de nombreux aromates à la cuisine, souvent aussi appelés « herbes amères » : achillée, bardane, calendule, laurier, myrrhe, plantain, séné, verveine cataire, romarin et bien d’autres.

Mais il est vrai que c’est une saveur qu’on ne peut apprendre à apprécier que si l’on a été un peu forcé au départ.

Les enfants commençaient par faire la grimace devant leurs endives ou leurs artichauts. Il y avait des pleurs et souvent même des punitions. Mais bientôt tout le monde s’y mettait, et à l’âge adulte, on appréciait les vertus « roboratives » (fortifiantes) d’un plat ou d’une boisson bien amers.

Le goût amer s’était largement perdu ces dernières années. Biberonnés au Coca-Cola, aux bonbons Haribo, aux Corn-Flakes et au ketchup, les jeunes générations ne le supportaient plus et recherchent désormais le sucre, même adultes (autrefois, on considérait que seuls les enfants aimaient le sucre).

Les endives n’ont plus de goût, les artichauts sont doux, le café se boit dilué à l’américaine, les olives sont juste salées, et les bières elles-mêmes ressemblent de plus en plus à de l’eau pétillante.

Et que dire des concombres ? Qui se souvient qu’autrefois le concombre était si amer qu’il était pratiquement immangeable tel quel ? C’est pour ça qu’on le mettait en saumure, pour en faire de gros cornichons, comme les olives qui, sans cela, sont immangeables.

Les vertus de l’amertume pour le foie

L’amertume nettoie et simule le foie, cet organe indispensable dont on oublie toujours de s’occuper (jusqu’à ce qu’il tombe malade). Pourtant, je me permets de le rappeler, le foie :


Et manger du pissenlit permet de stimuler toutes ces fonctions à la fois, en augmentant l’excrétion, ou production, de bile.

C’est la raison pour laquelle je vois d’un si bon œil le retour du pissenlit dans nos étals.

« C’était mon ami, et je ne le savais pas »

Alors, comme son cousin le chardon, apprenez à aimer le pissenlit trop souvent accablé car accusé « d’envahir » le stérile gazon.

Contrairement au gazon, le pissenlit peut vous nourrir, vous soigner.

C’est un ami, qui vous veut du bien. Oui, il est banal, mais ce n’est pas une raison pour le mépriser, et encore moins l’éradiquer.

S’il s’obstine éternellement à revenir, malgré les coups de bêche et les désherbants prétendument « sélectifs », c’est qu’il sait que vous avez besoin de lui, même si vous n’aviez peut-être pas complètement réalisé à quel point.

Il est facile à reconnaître. Veillez simplement à éviter les zones trop proches des routes passantes, ou régulièrement traitées aux herbicides.

Si vous avez un doute, demandez à n’importe quel enfant qui aime en souffler les pistils et les voir s’envoler dans le vent. Il n’y a aucun risque de le confondre avec une plante toxique. Armez-vous d’un petit couteau acéré et d’un panier, et faites de belles récoltes, préférablement au début du printemps.

Et n’oubliez pas de les assaisonner avec de l’ail et de petits lardons bien grillés !

À votre santé !

Jean-Marc Dupuis