NE CONFONDEZ PAS TREMBLEMENTS ET PARKINSON

Avec l'âge, beaucoup de personnes constatent qu'elles ont la main moins sûre et qu'elles ont tendance à trembler. On dit souvent qu'elles « sucrent les fraises », on en rigole, mais on a souvent une petite inquiétude : ne serait-ce pas un début de Parkinson ? Eh bien non, pas nécessairement. Il se peut qu'il s'agisse seulement de ce que l'on appelle le tremblement essentiel.

Ma cousine tremble, elle, depuis l’enfance. Bien sûr, elle a consulté de nombreux médecins et elle en a entendu des vertes et des pas mûres : « Vous êtes trop émotive… ou trop stressée… ». Pire encore : « C’est peut-être un Parkinson précoce… Vous êtes sûre de ne pas boire un peu trop ou de sortir un peu trop tard ? Vous vous droguez ? »

Elle a cherché longtemps la cause de ses tremblements et a fini par en trouver la cause : elle souffre de tremblements essentiels. C’est assez rare à son âge, mais il s'agit en fait d'une maladie très courante. En France, une personne sur deux cents en est atteinte, et plus d’une personne sur vingt passé 65 ans !

Il s'agit de la cause la plus fréquente de tremblements et la plus commune des maladies neurologiques. Et encore, elle est sous-évaluée, puisqu'entre 30 et 50% des maladies de Parkinson diagnostiquées seraient en fait un tremblement essentiel.

Pour elle, comme pour la plupart des personnes qui souffrent de cette affection, c'est un handicap social considérable. Car ceux qui tremblent sont considérés comme « anormaux », fragiles psychologiquement ou peu fiables physiquement. Pourtant, ça n’a jamais empêché ma cousine d’avoir un caractère bien trempé, ou son père, qui en est atteint aussi, d’être un bon bricoleur…

Mais les préjugés sont là, et la gêne n’est jamais plus forte que lorsqu’elle est tue. Car il y a aujourd’hui des moyens de vivre sereinement avec cette maladie.

Ni une carence ni Parkinson

À la différence des tremblements dus à la maladie de Parkinson, qui se manifestent au repos, le tremblement essentiel atteint les muscles lorsqu’on les utilise, c’est-à-dire soit lorsqu’on se contracte pour un effort, même minime, soit lorsque l’on fait un geste.

Voici la raison pour laquelle il est rarement perçu par les médecins, outre son caractère indétectable dans les examens du sang ou des urines. Lorsque vous allez voir votre généraliste, il ne perçoit rien d’anormal, à moins que vous ne le lui disiez. Et en général, la réponse est qu’il faut prendre du magnésium…

Mais ceux qui en sont atteints le savent : le tremblement essentiel touche essentiellement le haut du corps : mains, bras, parfois le cou et même la voix. Il se manifeste surtout pour vous embarrasser lorsque vous faites des gestes précis, ou lorsque vous tenez des objets légers, ce qui donne une désagréable impression de maladresse, autant à vous qu’à ceux qui vous voient faire. Vous servez du vin à table ? Tout le monde se regarde, gêné, mais personne ne dit mot.

Ainsi, on arrive à un paradoxe : le tremblement essentiel rend beaucoup plus difficiles des gestes aussi anodins que le maquillage ou le bricolage, alors qu’il ne vous ennuiera pas le jour où vous faites votre déménagement, par exemple.

Ce qu’est le tremblement essentiel

Le tremblement essentiel est une maladie neurologique d’origine génétique qui touche une part considérable de la population, autant les femmes que les hommes.

Elle apparaît dès l’enfance, et si l’on ne fait rien, elle tend à s’aggraver. Il y a deux pics d’incidence, avant 20 ans et après 50 ans. C’est pourquoi il faudrait prendre cette affection plus au sérieux, alors qu’elle est régulièrement sous-estimée (carence) ou surestimée (Parkinson). Le plus souvent, il n’y a que les neurologues qui la détectent, et souvent trop tard…

Il y a en moyenne dix années d’errance diagnostique pour les formes précoces et deux années pour les formes tardives. Cela signifie que certains patients vont de médecin en médecin sans que l’on identifie ce qu’ils ont, parfois pendant quinze ou vingt ans !

Or au moins 300 000 personnes en sont atteintes en France, tandis que la maladie de Parkinson, elle, ne touche que 120 000 personnes. Mais un Parkinson, plus grave, reçoit plus facilement l’intérêt du corps médical. Après tout, trembler, c’est naturel, vous diront même certains.

Parmi les malades, 30 000 souffrent d’une forme sévère à invalidante, et près d’un quart des personnes atteintes ont dû changer de métier ou arrêter de travailler à cause du handicap moteur que cette maladie cause.

Le regard des autres

85% des personnes atteintes considèrent cette maladie comme un handicap social. Cela veut dire que presque toutes les personnes atteintes doivent expliquer ce « défaut » de leur chair pour ne pas en avoir honte, souvent en ne sachant même pas exactement ce qu’elles ont. Sans compter la honte qui saisit beaucoup d’entre elles, le sentiment d’anormalité, d’incapacité qui peut être lié à cette pathologie. Une honte qui ralentit encore le diagnostic, car les personnes atteintes trouvent une infinité d'astuces pour dissimuler leurs tremblements.

Un malade sur trois admet qu'il craint le moment où il va trembler devant les autres et redoute de faire certains gestes, de passer pour trop émotif. Alors qu’il s’agit seulement d’un trouble neurologique bénin, s’il est convenablement traité !

Un mystère encore irrésolu

L'origine du tremblement essentiel n’est pas connue, mais ce serait une maladie génétique dans 50 à 70 % des cas. Les recherches effectuées sur les formes familiales montrent que les patients ont plus d’un risque sur deux de transmettre la maladie à leurs enfants. Mais tout le monde n’est pas atteint par le tremblement essentiel dans les mêmes proportions, et chez certaines personnes, cela peut même passer inaperçu.

D’autre part, le tremblement essentiel n’est pas le même pour tous, et ce ne sont pas les mêmes gènes qui sont affectés selon les familles. Si les antécédents familiaux demeurent la règle, le gène n’a pas été identifié.

La génétique n'explique pas tout

Cependant, le facteur génétique, prépondérant, n’est pas l’unique cause de ce mal. L'étude de vrais jumeaux montre que si l'un est affecté, le second n’a que 60 % de risque de l'être. Il y aurait donc des causes liées à l’environnement qu’il faudrait prendre sérieusement en considération.

On ignore le mécanisme exact du tremblement essentiel, mais on sait que le cervelet, situé à l’arrière du cerveau, est impliqué dans cette pathologie. Des cellules du cervelet, dites de Purkinje, participent à la transmission des informations. Les personnes atteintes de tremblements essentiels voient ces cellules dégénérer, leur nombre s’amoindrir, ou des anomalies morphologiques apparaître.

Vivre avec au quotidien

Il n’est pas évident de vivre avec le tremblement essentiel, surtout lorsqu’il vous affecte sévèrement. Néanmoins, avec quelques conseils pratiques, il est déjà possible d’en atténuer les symptômes.

Ce que vous pouvez faire tout de suite

Si vous souffrez de cette affection, on vous a sans doute déjà dit de supprimer les excitants, dont le café. Pour ce qui est de l'alcool, les malades ont parfois le sentiment qu'il réduit les tremblements, mais ce n'est que temporaire, et les tremblements reviennent par la suite, souvent avec plus de vigueur.

Vous a-t-on dit qu'il faut éviter également les sucres industriels et les céréales, les bonbons et tous les produits qui contiennent des colorants ou additifs artificiels ?

De même, faites le test de rester à distance de tous les appareils émettant des ondes électromagnétiques (réveil, téléphone, wifi...). Si vous y êtes sensible, vous devriez constater une amélioration rapide.

Tout le monde tremble, et vous encore plus

La plupart des gens étant sujets au tremblement dans des situations critiques, si vous êtes affecté par les tremblements essentiels, il vous en faudra moins pour trembler. La fatigue, l’effort physique, l’émotion suffisent, et cela empire lorsque l’enjeu est important. Il faut apprendre alors à ne pas douter de vous et à « programmer » à l’avance les différents gestes que vous devrez effectuer.

Vos tremblements essentiels sont en relation avec le stress. Or celui-ci peut être prévenu par différentes disciplines : relaxation, sophrologie, hypnose, yoga – et massage, si vous en avez les moyens. Durant leur errance diagnostique, bien des patients entament un suivi psychologie, qu’ils continuent par la suite, pour conserver un équilibre. Surtout, ne vous repliez pas sur vous-même et ne vous cachez pas, par crainte que l’on vous regarde de travers. Il est beaucoup plus simple d’accepter son mal que de le dissimuler. Si votre enfant en est atteint, ou présente des signes, n’hésitez pas non plus à en parler à ses enseignants.

Plusieurs associations, et principalement l’Aptes, sont dédiées au tremblement essentiel et sont là pour vous informer, pour échanger entre patients, pour être aidé dans les démarches de la vie courante. Rappelez-vous que vous n’êtes pas seul, bien au contraire.

Quelques astuces au quotidien

Au quotidien, si les tremblements essentiels affectent les deux côtés du corps, ils ne le font pas de la même façon. Aussi, on peut utiliser le côté du corps le moins touché, même si ça ne constitue qu’un pis-aller.

Le tremblement essentiel a tendance à s’accroître lorsqu’on emploie des objets légers, et à diminuer avec des objets plus lourds. Sachez qu’il existe des couverts, du matériel de toilette et même des stylos spécialement alourdis pour vous, ainsi que des supports pour rendre les objets ordinaires plus aisément manipulables, dont les tapis antidérapants, les ventouses et les pinces. Certaines personnes affectées utilisent également des bracelets lestés.

Accepter ce handicap

Bien sûr, tout cela coûte, mais la loi peut vous permettre d’obtenir des aides et des aménagements relatifs à votre handicap. Il suffit alors de faire reconnaître ce handicap par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) la plus proche de chez vous. Ce n’est jamais facile d’accepter un handicap, mais il s’agit d’une démarche essentielle pour pouvoir vivre avec cette maladie.

Peut-on en finir avec le tremblement essentiel ?

Il existe bien des sortes de tremblements ; des dizaines, même. Seul un neurologue est à même d’en définir la cause et l’origine, et l’automédication est déconseillée sans diagnostic. En général, les tremblements résultent d’une insuffisance de production de la dopamine et d’une augmentation de l’acétylcholine.

Certaines méthodes diminuent drastiquement les tremblements essentiels, mais elles sont lourdes et allopathiques. Si votre affection a déjà atteint des proportions sévères, on vous prescrira sans doute des bêtabloquants et des antiépileptiques qui peuvent réduire l’amplitude des tremblements, mais qui sont assortis d'effets secondaires handicapants :
Bêtabloquants : asthénie, refroidissement des extrémités, ralentissement du rythme cardiaque, diarrhées, douleurs gastriques, nausées, vomissements, impuissance, insomnies, cauchemars...
Antiépileptiques : somnolence, vertiges, prise de poids, hypertrophie gingivale, éruption cutanée.


Dans les formes les plus sévères, on pratique une stimulation électrique cérébrale, comme pour le Parkinson, qui consiste à envoyer un courant électrique dans le thalamus, de façon à rétablir un fonctionnement normal des cellules nerveuses. Elle permet d’obtenir des résultats à 80%. Mais il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une opération lourde, avec un suivi post-opératoire régulier.

Une autre méthode venue d’Israël, et encore à l’étude en France, consiste à traiter les tremblements essentiels par ultrasons. Toutefois, cela reste expérimental, car les ondes se déforment lorsqu’elles entrent en contact avec le crâne. Il faut donc choisir les bons ultrasons et bien positionner la sonde pour chaque patient. Quelques Américains ont déjà été soignés avec cette méthode prometteuse.

Dans une autre optique, celle d’une amélioration continue, l’homéopathe et le phytothérapeute peuvent vous proposer une gamme de remèdes.

Quels sont les compléments qui peuvent vous aider ?

Il faut commencer par privilégier les oméga 3 pour redonner de la fluidité aux membranes cellulaires et relancer l'activité des neurotransmetteurs. Les poissons de type saumon, sardines ou maquereaux en sont pleins. Vous pouvez en trouver sous forme de compléments extraits de l'huile de poisson (voir ici), mais si vous êtes végétarien, vous pouvez également prendre de l'huile de périlla (première pression à froid) qui contient 15 % d’acide linoléique (oméga 6), et surtout 65 % d’acide alphalinolénique (oméga 3).

Ensuite, le magnésium. Nous l'avons vu, cette prescription est jugée peu efficace par les malades. Mais c'est en partie parce que le magnésium utilisé pour la complémentation n'est pas assimilé par l'organisme. Afin d’assurer une bonne assimilation du magnésium, il est préférable de recourir à un sel liposoluble associé à la vitamine B6 et à la taurine. Exemple
: D-Stress, 2 capsules deux fois par jour.

La vitamine D peut également apporter un mieux. On a constaté par exemple que chez des sujets épileptiques, elle réduit le nombre de crises.

L’ashwagandha, une plante ayurvédique, peut aussi être intéressante à ce titre, dans la mesure où elle a une action similaire au GABA, l’acide gamma amino-butyrique. Or les tremblements essentiels pourraient être liés à un dysfonctionnement des récepteurs de cette substance. En outre, l’ashwagandha est recommandé contre les tremblements en général, contre le stress, l’épuisement, la fatigue et les troubles neurologiques. N’hésitez pas à en parler avec votre médecin ou votre naturopathe.

Il existe enfin toute une gamme de remèdes homéopathiques pour traiter les tremblements ; toutefois, les conseils d’un homéopathe demeurent de rigueur :

Ainsi, j’espère que le tremblement essentiel ne sera plus jamais une fatalité pour vous.

Gary Laski