Phages : vaincre
une infection sans antibiotique
Chère
amie, cher ami,
Vous le savez peut-être, il existe un moyen 100% naturel et terriblement
efficace de lutter contre certaines infections bactériennes.
Ce moyen est aujourd’hui couramment utilisé en Géorgie et dans certains pays de
l’Est.
Je veux parler des phages.
On les appelle aussi bactériophages. Ce sont des virus qui ont la capacité de
tuer des bactéries [1].
Chaque type de phage est capable de détruire un type de bactérie. Pour y
parvenir ce virus s’agrippe à la bactérie (il est beaucoup plus petit qu’elle)
à la manière d’un parasite sur un poisson. Il se fige sur la bactérie et lui
injecte son propre ADN.
Cela produit deux conséquences : le phage, nourri par la bactérie, se
multiplie; la bactérie infectée par le virus, meurt.
Les phages sont connus depuis le début du XXe siècle pour leur extraordinaire
capacité à combattre certaines infections.
Malheureusement, le succès des antibiotiques après la deuxième guerre mondiale
et l’intérêt des laboratoires pharmaceutiques à développer des thérapies
médicamenteuses faciles à standardiser et industrialiser a fait oublier les
phages.
Félix d’Hérelle, fondateur de la
Phagothérapie
Le
premier à avoir découvert leurs facultés est un québécois : Félix d’Hérelle. Il
a vécu une vie d’aventures et de recherches et a développé durant de longues
années des thérapies à base de phages au sein de l’Institut Pasteur.
Puis, ayant pris ses distances avec l’institution, il a parcouru le monde et
travaillé avec de nombreuses équipes scientifiques sur les phages : Indochine,
Pays-Bas, Égypte, Inde…
Aux Etats-Unis, il a été nommé professeur à Yale. En URSS enfin, il a créé un
Centre de virologie dédié aux phages. L’accueil bienveillant qu’il a connu dans
ce dernier pays explique le succès et la tradition de l’utilisation des phages
en Géorgie.
Aujourd’hui, l’Institut Pasteur continue à travailler sur le sujet, par le
biais du Docteur Alain Dublanchet qui est la
référence en France sur cette question.
Pour
autant, les travaux menés à l’heure actuelle en France sont à peine officiels.
C’est un travail fait en catimini par une poignée de passionnés dont personne
ne parle.
Et c’est bien dommage !
Des cas cliniques convaincants
Le
Dr Alain Dublanchet explique dans son livre [2] et
ses conférences [3] des cas cliniques extraordinaires où des patients ont
survécu à des pathologies mortelles grâce aux phages.
Dans ces certains cas, les antibiotiques étaient inopérants (inefficaces ou non
supportés par le patient) et les sujets traités dans un état désespéré.
En 2004, une femme de 54 ans, elle-même médecin, atteinte de pneumopathie
se fait soigner avec des phages.
Elle est atteinte d’une surinfection qui touche sa hanche. A la demande de la
patiente, un traitement combinant phages, opération chirurgicale et
antibiotiques est mis en place (imipénème et ciprofloxacine). C’est un succès.
En 2005, une jeune patiente souffre d’otite chronique. Elle est traitée
aux antibiotiques, puis opérée du tympan. L’opération réussit mais quelques
mois plus tard, les douleurs sont revenues. Après analyse, on diagnostique la
présence d’un staphylocoque doré, une bactérie pathogène coriace et
dangereuse. Le médecin décide d’utiliser des phages achetés en Russie. En 48
heures, l’infection se résorbe.
En 2007, c’est une infection de la vessie d’une femme de 67 ans qui est
traitée avec des phages de Tbilissi. A nouveau, le traitement fonctionne là
alors que les antibiotiques sont sans effet bénéfiques.
Un nouveau cas aux Etats-Unis [4]
Fin
2015, Tom Patterson, un chercheur en psychiatrie de 69 ans, voyage avec sa
femme en Egypte. Il y contracte une infection. il est pris de douleurs
abdominales épouvantables, puis de vomissements. Son rythme cardiaque
s’accélère drastiquement.
Sur place, les médecins diagnostiquent une pancréatite aiguë. Ils lui donnent
des antibiotiques. Le traitement n’aide pas.
Le patient est héliporté en Allemagne. Un nouveau diagnostic tombe : une
bactérie vicieuse attaque Tom Patterson au niveau du pancréas : c’est l’Acinebacter Baumannii, un
agent pathogène mortel.
Les médecins administrent de forte doses d’antibiotiques puissants au patient.
Il va un peu mieux. On le transfert aux Etats-Unis, à San Diego sa ville de
résidence. Son état de santé est déplorable.
A l'hôpital Thornton, Tom Patterson commence à se
rétablir. Puis survient l’impensable : des bactéries drainées de son organisme
tombent sur son ventre et l’infecte à nouveau. C’est une bévue médicale.
La réaction ne se fait pas attendre : septicémie immédiate, fièvre violente,
hypertension. Tom tombe dans le coma.
Nous sommes à la mi-janvier 2016. Sa femme se bat. Épidémiologiste à
l’Université de San Diego, elle connaît le chapitre des infections comme
personne. Elle se renseigne sur la phagothérapie dont elle a entendu parler
durant ses études. Avec le médecin qui soigne son mari, le Dr Robert Schooley, elle part à la recherche de renseignements précis
sur les phages.
Les scientifiques de San Diego trouvent trois sources de phages possibles pour
Tom: le premier lot de phages vient d’un Centre de Recherche de la Marine
américaine situé à Frédérick, le deuxième d’un
laboratoire de l’Université du Texas, et le troisième d’une entreprise de
biotechnologies de San Diego.
Il n’est guère surprenant, que l’on trouve un centre de recherche militaire
dans cette liste : ce laboratoire fournit à la marine des thérapies contre
d’éventuelles armes bactériologiques…
L’équipe de l’hôpital de Thornton demande une
autorisation en urgence à la FDA pour utiliser les phages, l’obtient et démarre
le traitement.
Le 15 mars 2016, Tom Patterson est toujours dans le coma. Son ventre est
gonflé, son taux de globule blancs est au plus haut, signe d’une infection
galopante. Il est sur le point de mourir. Les médecins lui administrent (via un
cathéter) des virus bactériophages. Si le patient ne meure pas de ce
traitement, on lui enverra les phages par voie intraveineuse…
Et c’est ce qui se passe ! Le 17 mars, il vit encore. On envoie les marines !
Le 19 mars, il se réveille et reconnaît sa fille.
Pour autant, le patient n’est pas sorti des ennuis. Il lui faudra de longs mois
de traitement combinant phages et antibiotiques pour voir la bactérie annihilée.
En août 2016, il est officiellement guéri.
Il aura fallu la ténacité et les connaissances scientifiques de sa femme pour
parvenir à ce résultat.
En attendant, les médecins ont été frappés par cette guérison extraordinaire.
Même s’il ne s’agit que d’un cas isolé, les équipes de scientifiques souhaitent
voir la recherche dans ce domaine reprendre.
Des applications multiples
Et en effet, l’utilisation des phages en
médecine – y compris par votre généraliste – présente de nombreux intérêts.
Combinés avec des antibiotiques, les phages pourraient être utilisés pour
combattre de nombreuses infections. Sont concernées des bactéries comme le
staphylocoque dorée ou d’autres infections spécifiques.
Mais l’usage des phages pourrait déborder le cadre de la médecine. Dans la
mesure où ils ne polluent pas et où ils ne présentent pas de dangers pour
l’homme ou les animaux, ils pourraient être utilisés partout où l’on utilise
des antibiotiques ou des antibactériens : élevages, alimentation industrielle, médecine
vétérinaire etc.
Bref, nous n’avons pas fini d’entendre parler des phages !
Naturellement vôtre,
Augustin de Livois